Traumatisme, mémoire traumatique, dissociation: quel est l’impact du viol, inceste ? que se passe t il dans le cerveau et dans le corps ?
Le phénomène d’amnésie traumatique concerne 59,3% des victimes de violences sexuelles dans l’enfance. Et ces phénomènes d’amnésies traumatiques peuvent durer jusqu’à 40 ans (d’où les sujets importants sur les délais de prescription). Ce phénomène est un réflexe de survie, de protection, qui gèle le corps et la mémoire, la fige dans le temps. En voici le fonctionnement, pour mieux comprendre ce qui se passe.
Sophrologue, hypnothérapeute, thérapeute, je suis Hélène Dujardin spécialisée dans l’accompagnement des personnes sur les symptômes et manifestation de la peur. Il me tient à cœur de transmettre des éléments de compréhension – en l’occurrence ici sur la mémoire traumatique la dissociation - , d’expérience sur ce traumatisme du viol, de l’inceste, des agressions sexuelles qui me touche et pour lequel je reçois des personnes que j’accompagne en cabinet.
Pour vous expliquer ces phénomènes, je m’appuie sur les écrits de Muriel Salmona, psychiatre et fondatrice de l’association « Mémoire traumatique et victimologie ».
Et dans l’article sur les symptômes, je compléterai ces notions avec la théorie polyvagale de Stephen W Porges, qui apporte une clé complémentaire de compréhension.
Les traumatismes dont on parle sont ceux qui vont menacer :
- L’intégrité physique : se voir confronter à sa propre mort ou à la mort d’autrui
- Ou l’intégrité psychique : avec des situations qui sont terrorisantes car elles sont anormales, à caractère dégradant, inhumaine, humiliante, injuste, incompréhensible.
Pour l’expliquer de façon courte, en restant simple : au niveau du cerveau, c’est le système limbique qui gère et régule les émotions (et joue un rôle dans la mémoire).
- Au sein du système limbique, l’amygdale est la structure principale qui contrôle l’expression des réponses émotionnelles : réponse de défense de l’organisme, changements physiologiques, comportements.
- Lors d’un danger, deux voies sont empruntées :
- une voie courte qui active l’amygdale, et apporte une réponse sans l’implication du cortex. Par exemple, une femme traverse la rue avec un landau sur un passage piéton, elle avance rapidement, une voiture arrive, le conducteur ne la voit qu’au dernier moment et donne un coup de volant pour l’éviter.
- Une voie plus longue, où, dans un second temps, le cortex sensoriel et sensitif puis le cortex associatif et l’hippocampe, sont impliqués. Ils vont permettre une réflexion sur la base des expériences vécues, des apprentissages. Et cette voie va permettre d’affiner, moduler la réponse et ainsi d’atténuer l’activation de l’amygdale. Dans notre exemple, le conducteur va reprendre le contrôle de son véhicule, peut-être redonner un coup de volant pour ajuster la position, klaxonner… etc. cette 2eme réponse va permettre un retour au calme
Lors d’un traumatisme, comme le viol et a fortiori l’inceste, toutes les certitudes acquises s’effondrent.
- L’acte confronte à sa propre mort, sans échappatoire possible, l’impuissance est totale. Et c’est d’autant plus vrai et fort pour l’inceste : en effet, dans la cellule familiale, se construit toute la sécurité de la personne, tous ces repères, sa "zone de certitude" psychique. Ces liens relationnels permettent normalement de construire en soi une base stable et solide, qui vacille totalement lors de l'inceste. Et c'est encore plus vrai quand l’acte est répété.
- Il y a alors effraction psychique: la vie psychique s’arrête, plus de discours intérieur, plus de parole, pensée, c’est le vide
- Cet état de sidération psychique fait « bugger » le système limbique : la partie du cerveau - cortex associatif - qui permet de relier les évènements, comprendre, ne fonctionne plus. Le danger n'est ni maîtrisé ni arrêté, et on ne peut pas en échapper.
- Alors l'amygdale qui alerte du danger reste activée.
- Et donc le corps réagit toujours face à cette situation de stress et danger intense : production de cortisol, d'adrénaline importante. Mais cette production - qui prépare à la fuite ou au combat -reste inutilisée : le corps entre en survoltage (tachycardie, tremblements, vertiges, angoisse).
- Ces taux élevés d'adrénaline et cortisol deviennent toxiques pour l'organisation (possibilité d'infarctus du myocarde, atteinte des cellules nerveuses, atteinte de l'immunité). Il y a donc un risque vital pour l'organisme en lien avec le survoltage. Cela se passe alors comme pour un circuit électrique, le circuit disjoncte pour protéger l'organisme.
- L’amygdale est alors déconnectée. Le traumatisme se poursuit, mais l’état de stress s’apaise, avec l’arrêt de production de cortisol ; les endorphines provoquent une analgésie (plus de souffrance physique)
- L’amygdale est déconnectée du cortex associatif: ainsi les informations émotionnelles ne vont plus être traitées. Le traumatisme continue mais sans connotation émotionnelle, sans souffrance psychologique, et physique : c’est la dissociation
- L’amygdale est aussi déconnectée de l’hippocampe qui ne va pas recevoir le contenu de la mémoire implicite émotionnelle. Les troubles de la mémoire et l’amnésie traumatique viennent de là.
Ainsi cette compréhension du mode de fonctionnement du cerveau lors du traumatisme subi, et en l’occurrence de viols, incestes, attouchements, permet :
- de mieux comprendre l’état de sidération lors du traumatisme (donnant l’impression de laisser faire)
- de comprendre les troubles de la mémoire et l’amnésie.
- Et de mieux cerner les conséquences en lien avec la mémoire traumatique
De plus, la mémoire traumatique est une bombe à retardement :
- La mémoire des violences subie est piégée par les amygdales. Elle est stockée avec un encodage des stimuli sensoriels, cénesthésiques, contextuel, expérientiel en lien avec les traumatismes subis.
- Ces encodages peuvent être des « déclencheurs » qui peuvent réactiver l’amygdale qui va transmettre des informations fantômes et vont donner l’impression de revivre les violences, en pensées, émotions, sensations, mais sans repère de temps, d’espace, et donc incompréhensible. On revit alors d’une certaine façon le traumatisme dans des situations avec des déclencheurs similaires qui réactivent le système nerveux. Une sensation de danger imminent est vécue comme lors du traumatisme. Ce sont alors des crises d’angoisse, de panique, des attaques de panique qui se déclenchent.
Je reviendrai sur cela dans mon 3ème article sur les symptômes, je souhaitais ici vous donner des éléments de compréhension, avant d’entrer dans le détail des symptômes. La compréhension du lien entre le vécu « originel » et les sensations symptômes est clé pour se reconstruire.
Alors la personne, pour échapper à cette souffrance et ce sentiment d’insécurité permanent, et ainsi essayer de réguler cet état de mal être va mettre en place :
- Des conduites de contrôle, accompagnée d’une hypervigilance. Il s’agit de contrôler un danger qui semble permanent, pour essayer de se sécuriser
- Des conduites d’évitement, pour échapper aux situations qui sont susceptibles de rappeler les violences. Les conduites d’évitement sont conscientes et peuvent être inconscientes (comme les phobies, sans lien apparent entre le traumatisme et le symptôme)
Mais malgré ces conduites de contrôle et d’évitement, l’état de souffrance, la sidération, la détresse se poursuivent, la disjonction du système naturel ne fonctionne plus : il y a un phénomène d’accoutumance, de tolérance. Et seules les conduites dissociatives peuvent alors aider à calmer la détresse. Il s’agit d’obtenir la même disjonction du système pour apaiser la souffrance physique et psychique.
- Concrètement, la personne peut alors recourir à une aggravation du stress par des conduites dangereuses (automutilations), violences agies ou subies
- Ou le recours à des drogues qui vont permettre la dissociation, l’alcool, les psychotropes
Voilà qui précise le mode de fonctionnement du cerveau en lien avec la physiologie du corps lors du traumatisme. Et pour prolonger cette compréhension, vous pouvez lire mon 3eme article sur les symptômes. Vous trouverez également d'autres articles sur le sujet sur les ressentis, la reconstruction après le traumatisme, des conseils pour les proches et amis de victimes. N'hésitez pas à lire également le 1er article sur les définitions et ce qui dit la loi
Sophrologue, hypnothérapeute, thérapeute, je peux vous accompagner si vous avez été victime d’une agression, d’un viol, d’un inceste. Vous pouvez m’appeler pour un premier contact et si vous le souhaitez prendre rendez-vous. Consultations à Paris dans le 11ème et en visio.
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Pour lire mon 3eme article sur les symptômes.