Inceste : Schémas répétitifs et transmission familiale
« Elle l’a bien cherché » : cette phrase choquante peut être renvoyée à la victime d’une agression sexuelle. Elle sème le doute chez la victime, qui ne comprend pas elle-même réellement son comportement lors d’une agression (chez un adulte).
Cet article vous permettra de mieux comprendre ce qui se passe pour la personne, le formatage qui s’opère, et qui peut amener la personne à se retrouver dans une situation similaire, à nouveau victime.
- Ainsi j’aborderai ici les schémas répétitifs dans la vie d’une même personne. Cette notion de schémas répétitifs pourrait blesser des personnes qui ont été agressées sexuellement. Elle semble impliquer une responsabilité de la victime. Et ce n’est vraiment pas le propos. Je reviendrai là-dessus, en expliquant le « formatage ».
- Et je vous transmettrai également un éclairage sur les schémas et transmissions familiales, qui apportera une autre lecture face aux agressions sexuelles. Thérapeute, sophrologue, j’ai eu accès à cette compréhension de façon approfondie en me formant à la psychogénéaologie avec Bruno Clavier, psychanalyste, spécialiste de ces questions autour de l’abus.
Une nouvelle enquête nommée « Virage »
a été publiée en janvier 2021. Elle actualise les chiffres sur les violences sexuelles intrafamiliales. Cette enquête codirigée par Alice Demanche, ingénieure en statistiques économiques et maîtresse de conférence en sociologie à l’Université de Strasbourg, a été menée auprès de 27 personnes, aussi bien hommes que femmes.
Cette enquête précise l’âge où les violences sexuelles ont été subies :
- pour 85% des femmes et des hommes qui déclarent ces violences sexuelles, les viols et les agressions sexuelles ont commencé avant leur 14 ans, un très jeune âge.
- Et pour la moitié d’entre elles et eux, les violences sexuelles ont commencé avant l’âge de 9 ou 10 ans.
Des agressions sexuelles ont aussi lieu à l’âge adulte.
- Il peut s’agir d’agressions avec violence physique, sous la contrainte.
- Mais la violence physique n’est pas forcément présente. Par exemple, une femme qui se fait abuser par un gynécologue, comme certains cas ont été médiatisés il y a quelques mois. Je ne m’avance pas précisément sur ces aspects de contraintes, dans ces cas précis, puisque je n’en connais pas tous les détails. En revanche, ce que je souhaite évoquer ici, ce sont les cas d’agressions sexuelles où la victime « semble se laisser faire », où elle n’est pas soumise à une contrainte physique forte. Ce qui peut paraître incompréhensible.
De plus, la personne victime ne réalise pas forcément si l’acte commis (à des degrés divers) est répréhensible ou pas. Elle peut avoir l’impression d’avoir incité, contribué, laissé faire ou tout simplement pas réaliser la gravité de l’acte.
Mais alors comment est-ce possible ? Comment une personne adulte peut « consentir » de tels actes ? Ne pas en réaliser la gravité ? En fait, cela peut témoigner de l’existence d’une agression précédant cet événement, agression qui aurait déjà formaté la victime enfant.
Le formatage de la victime
Lors d’un inceste, comme nous l’avons évoqué dans le 2ème article sur le traumatisme et la mémoire traumatique, la victime se retrouve paralysée, pétrifiée, elle est déconnectée pour supporter le choc de l’agression.
- Plus tard, la victime devenue adolescente ou adulte, pourra être confrontée à des situations qui se répètent. Et elle se retrouvera à nouveau paralysée, pétrifiée : la mémoire traumatique agit à plein, les déclencheurs ont été repérés, et l’ensemble corps cerveau répond à plein, par la paralysie et l’état de figement.
- Si nous reprenons l’exemple d’agressions sexuelles commises par un gynécologue : le gynécologue représente une forme d’autorité, comme c’est le cas dans l’inceste. Et des éléments de la scène pourront contribuer à la reconnaissance des déclencheurs : le type d’abus, les lieux de la scène, les lieux du corps… Alors la victime « formatée » va apparemment « se laisser faire », figée comme si elle se retrouvait dans le traumatisme initial.
- Pour revenir à ce que je précisais en introduction, cette idée du formatage pourrait paraître blessante pour la victime car elle parait impliquer une forme de responsabilité de la victime. Au contraire, il s’agit d’apporter une compréhension de ce qui se joue, qui vise justement à déculpabiliser la victime. D’où l’importance de pouvoir comprendre et « travailler » sur soi (en thérapie), pour éviter cette répétition du traumatisme.
Les schémas répétitifs
Ce principe du formatage pose la question des répétitions du traumatisme. Bruno Clavier, dans son ouvrage « L’inceste ne fait pas de bruit » apporte des éclairages intéressants sur le sujet, sur lesquels je m’appuie ici.
La répétition peut être de deux ordres (et ce n’est pas une vérité absolue, mais ce sont des hypothèses à envisager, explorer. Il est important d’aller en nuance dans ces explorations et sans appliquer de systématique à toutes les personnes) :
- La répétition peut être généalogique: le descendant revit un traumatisme sexuel déjà vécue par son ancêtre.
- La répétition peut être «personnelle », à d’autres périodes de vie de la personne, et notamment dans l’enfance et dans l’adolescence.
Il y a un risque pour la victime d’un abus dans la petite enfance, d’en revivre plus tard, notamment au début de l’adolescence et ensuite adulte entre 20 et 30 ans. Cela ne veut pas dire que toute personne abusée adolescent ou enfant l’a été avant.
- Durant la petite enfance, à partir de 3 ans et demi, la sexualité enfantine se développe avec une curiosité de l’enfant. Et c’est là où précisément normalement se construit cet interdit de l’inceste. Quand l’entourage ne pose pas d’interdit clair, n’exprime pas d’information claire, alors l’enfant est potentiellement en danger (je reviens sur ce point un peu plus tard dans cet article). Par ailleurs, pour l’agresseur, il y a «moins de risques » puisque l’amnésie est quasi-certaine.
- Durant l’adolescence, qui est le moment de la poussée hormonale sexuelle.
- Puis jeune adulte, comme nous l’avons évoqué auparavant.
Il y a quelque chose à l’œuvre, dans le fait, de « retrouver » et « revivre » le traumatisme, bien malgré soi et inconsciemment. Le revivre permet au système nerveux d’essayer de le dépasser, de le transcender, de fuir alors que la fuite n’a pas pu être possible. Dans le traumatisme, la victime est à l’arrêt, la tentative est de reprendre l’histoire à son début, et enfin de la résoudre.
L’aspect généalogique
Il peut arriver que les violences sexuelles se répètent et se transmettent aux générations suivantes, souvent à l’identique et parfois au même âge. Ainsi pour protéger ces enfants si vous avez subi une agression sexuelle est de les informer à l’approche de l’âge où ça a eu lieu.
Rentrons à présent dans les aspects de transmissions aux générations suivantes, avec deux éclairages.
- Le climat incestuel
- Un contexte incestuel, un terreau favorisant l’inceste. Dans certaines familles, les notions d’intimité sont floues, les repères ne sont clairement pas donnés. Par exemple un parent qui dort avec son enfant (sans qu’il ne se passe quelque chose de sexuel), toute la famille qui se promène nue… ce n’est pas de l’inceste mais de l’incestuel. Le concept «incestuel » a été nommé par Paul-Claude Racamier, un psychiatre et psychanalyste franç Pour lui, l’incestuel est comme « un climat où souffle le vent de l’inceste, sans qu’il y ait inceste ».
- Dans l’incestuel, tout est «collé » et pas séparé. Les générations sont sur le même plan, parents et enfants. Les limites ne sont pas définies. Et ceci est en lien avec l’angoisse de mort (pour en savoir plus sur le sujet, vous pouvez vous référer à mon article sur l’angoisse de mort).
- L’incestuel est le terreau pour l’inceste. Et vice versa. Et ceci aussi dans la transmission entre les générations.
- Les transmissions «transgénérationnelles »
- René Kaës, psychanalyste français, distingue les transmissions intergénérationnelle des transmissions transgénérationelle (dans son ouvrage Transmission de la vie psychique entre générations). Les transmissions transgénérationnelles fait référence aux transmissions traumatiques, aux données brutes. Et en l’occurrence aux traumatismes vécus par les ascendants, qui n’ont pas pu être exprimés, élaborés, et métabolisés. Et ainsi, ont été transmis aux descendants.
- Les secrets de famille sont étroitement liés et fondamentaux dans les transmissions familiales.
- Le traumatisme se transmet alors à la fois d’inconscient à inconscient, bébé et dans toute petite enfance, en lien avec les parents.
- Il se transmet aussi dans le «paraverbal » : le parent transmet son mode de fonctionnement, tout ce qu’il a mis en place pour se protéger de cet événement et de ses conséquences. Et c’est de cette façon que peut se transmettre les angoisses, les symptômes et également le formatage.
Mon souhait est ici, plus que tout, d’apporter des éléments de compréhension et de passer un message : celui de l’importance pour soi, et pour ses descendants, que les événements puissent être nommés, exprimés, pour rompre la chaîne de transmission.
Mon autre souhait est aussi, pour les victimes, d’apporter des éléments de compréhension pour alléger la part « coupable » en soi.
Si vous souhaitez approfondir votre compréhension sur le sujet, vous pouvez lire d’autres articles de cette série, et notamment, mon 2ème article sur le traumatisme et la mémoire traumatique ; mon 3eme article sur les symptômes que le 4ème sur les ressentis.
Sophrologue, hypnothérapeute, thérapeute, je peux vous accompagner si vous avez été victime d’une agression, d’un viol, d’un inceste. Vous pouvez m’appeler pour un premier contact téléphonique, et si vous le souhaitez prendre rendez-vous. Consultations à Paris dans le 11ème et en visio.
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