Les symptômes : quelles sont les conséquences de l’inceste ? Des viols et agressions sexuelles pour la victime ?
Les conséquences des abus sont corrélées à de nombreux facteurs :
- Notamment l’âge (selon une enquête IPSOS en 2019 , l’âge moyen auquel la victime subit un inceste est de 10 ans).
- la maturité physique et psychologique des victimes,
- la proximité de l’agresseur et sa voie d’autorité vis-à-vis de la victime (sans faire de hiérarchie de victimes et d’agresseur, on comprend aisément qu’un abus par le père est dévastateur, car le père représente l’autorité, le cadre, la sécurité),
- le climat familial, notamment en lien avec les parents,
- la durée et répétitions des abus,
- le fait que cela soit vécu seul et c’est ce qui « forge » le traumatisme, la parole empêchée.
Comme nous l’avons vu dans le précédent article, le traumatisme peut être « oublié » dans la mémoire traumatique.
- En revanche, les symptômes sont souvent éloquents et parlent d’eux-mêmes, sans parfois même que la victime en ait conscience. Et finalement « apprendre, connaître » cette vérité, libérer le secret permet tout un coup de comprendre et de mettre du sens sur son histoire et le vécu du mal être.
- A titre d’exemple, souvent des personnes que j’accompagne viennent me voir au sujet de peurs, de crises d’angoisse (je reçois beaucoup sur ces « sujets » en tant que thérapeute). Ces crises d’angoisse peuvent être un des symptômes du traumatisme avec l’activation de la mémoire traumatique via des déclencheurs.
- Voici le témoignage de Carine qui précise son mal être sans « savoir » ce qui s’était passé pour elle, jusqu’au moment où son frère lui apprend qu’il a abusé d’elle. Ce témoignage concerne ici une femme ; mais les hommes ne sont exempts des incestes, abus, notamment, ils sont aussi "touchés".
L’idée de cet article est de permettre de mieux cerner ce qui se passe en termes de symptômes, à la suite d’un viol, d’une agression sexuelle ou d’un abus. Cela ne signifie pas évidemment que la présence d’un symptôme indique forcément qu’il y ait eu abus, viol ou agression sexuelle. Et cet article ne se prétend pas exhaustif non plus. Il est le fruit de mes connaissances, et expériences.
1- Un sentiment d’insécurité, une intranquilité
Lors d’une agression sexuelle, d’un viol et a fortiori d’un inceste, il y a une effraction physique (si vous voulez en savoir plus, je vous propose de lire mon 2ème article (« Traumatisme, mémoire traumatique, dissociation: quel est l’impact du viol, inceste ? que se passe t il dans le cerveau et dans le corps ? »), et psychique qui crée un sentiment profond de mal être et d’insécurité. Les mécanismes en jeu dans le cerveau apportent une grille de lecture et de compréhension.
En complément, la théorie polyagale proposée par Stephen Porges en 1994, va relier ce qui se passe :
- Dans le corps, par le biais du système nerveux autonome
- Dans la relation à l’autre
- En termes d’émotions
- Et en interaction avec l’esprit, le mental
Stephen Porges est un scientifique universitaire au Kinsey Institute de l'Indiana University Bloomington et professeur au département de psychiatrie de l'Université de Caroline du Nord à Chapel Hill en Caroline du Nord. Son apport va être à la fois :
- D’identifier une autre branche au niveau du système nerveux autonome, en plus des deux déjà connues (les branches sympathiques et parasympathiques)
- De relier les états physiologiques aux comportements et à la blessure du traumatisme
Concrètement, il y a 3 états du système nerveux autonome:
- L’état du ventral – parasympathique:
- un état où nous sommes au repos, en pleine détente, en lien avec les autres et avec notre environnement.
- L’état du sympathique :
- quand nous sommes menacés, cet état s’active, pour mobiliser des réactions de fuite ou de combat.
- Cet état peut être régulé, il correspond à une réaction de l’organisme pour s’adapter à l’environnement. Et c’est aussi l’énergie de l’action, du mouvement, qui mobilise.
- Quand il est dérégulé, ce sont les émotions intenses qui se manifestent, et les manifestations physiques comme les tensions, les palpitations cardiaques…
- C’est le 2ème système de défense, après l’état du dorsal ci-dessous.
- L’état du parasympathique dorsal :
- c’est le premier système de défense, le plus primitif, il y a menace et danger de mort. Le système coupe, disjoncte : ce sont les états dissociatifs. Cela offre une protection « face à un prédateur » : figé, sidéré, faisant le mort pour éviter que le prédateur attaque la proie.
- Cet état se vit dans la solitude, c’est l’impossibilité de fuir ou de combattre. Un état d’angoisse et d’insécurité.
Pour passer de l’état du dorsal, sans mouvement – de façon simplifiée - l’idée est de repasser par le mouvement, puis de remonter vers le ventral, un état de sécurité en lien avec l’autre.
Vous l’aurez compris l’état du dorsal correspond à l’état traumatique :
- Les états d’angoisse, de mal être,
- L’incapacité à se poser : se poser est dangereux, comme un danger de mort, et donc, il faut toujours être actif,
- Une forme d’intranquilité, de vide que l’on va chercher à apaiser, à réguler.
Pour essayer de « gérer » son mal être, la personne victime du traumatisme « peut » (pas de systématique, ce sont des éventualités) :
- Essayer de se sécuriser en passant par exemple par des mécanismes de contrôle: il s’agit du contrôle obsessionnel des choses, de l’organisation, du tri… etc. Le contrôle s’accompagne d’une hypervigilance
- Mettre en place des conduites d’évitement, pour échapper aux situations en lien avec le traumatisme. Ce sont ici toutes les angoisses et phobies, avec le système d’encodage du traumatisme. Par exemple, la peur de l’avion ou de prendre le métro (enfermement, impossibilité de fuir), la peur de parler en public (regard sur soi, impossibilité de fuir, envie de disparaître)… etc.
Et si cela ne fonctionne pas ou n’est pas suffisant pour gérer le mal être, inconsciemment, la personne va chercher à s’apaiser, avec deux « voies possibles ». Le « but » est ici de récréer l’état de de dissociation et d’anesthésie vécu lors du traumatisme.
- Poursuivre la dissociation, pour se couper des sensations et des émotions, avec l’usage de produits qui dissocient (les addictions): drogues, consommation d’alcool, les compulsions alimentaires sont aussi de cet ordre
- Aller vers le « trop » pour augmenter le stress et à nouveau faire disjoncter le système,
- avec des conduites qui reproduisent le traumatisme initial : par exemple, fréquentation d’individus pervers dans le cas du viol ou d’agressions sexuelles, conduites sexuelles dangereuses, mise en danger
- Avec des conduites d’agressions envers soi : se faire mal, automutilations, mise en danger
2- Une difficulté dans le lien
A partir du moment où on a vécu une agression, un viol et a fortiori un inceste, l'autre est perçu et même "senti" comme dangereux. En présence de l'autre, on perçoit comme un danger de mort.
La personne agressée ne se sent plus en sécurité avec l'autre :
- Bien sûr, parce qu'il y a à la fois l’agresseur
- Mais aussi par rapport à l’entourage, qui ne voit pas toujours, ne croit pas toujours ce qui a été vécu. La victime a pu ne pas se sentir entendue et crue.
A partir de là, c’est très difficile d’avoir confiance dans l’être humain et de construire des relations de confiance, à tous les niveaux de relation et d’autant plus dans l’intimité du couple.
La colère peut se vivre comme une haine de l’autre, des autres ; la victime peut vivre l’autre comme un potentiel agresseur…
Résultat : je suis seul et je ne peux compter que sur moi. Être avec l’autre n’est pas tranquille et même dangereux.
3- Relation au corps, troubles gynécologiques
- Les troubles gynécologiques (douleurs pelviennes, masses pelviennes, des règles douloureuses, endométriose… etc) peuvent être évocateurs d’agressions sexuelles.
- Les difficultés autour de la possibilité d’être enceinte, d’avoir un enfant, le vécu de l’accouchement difficile peuvent aussi avoir des liens avec un traumatisme.
- Le corps peut être comme une barrière de protection : ainsi les troubles gynécologiques rendent les rapports sexuels désagréables, compliqués, voire impossible (par ex, vaginisme).
Les symptômes reflètent la meurtrissure de l’être, de la féminité.
Le corps est impacté dans son image :
- Il est vécu comme mauvais, parfois avec une image déformée.
- Il peut être vécu comme sale ou honteux, avec un besoin de propreté compulsif, la peur d’être sale, vue comme sale, de se sentir sale.
Les vêtements peuvent être des « carapaces » de protection : amples, avec différentes couches superposées…
4 – Le couple, les relations sexuelles
Comme je l'ai évoqué juste avant, le lien à l'autre est difficile car "l'autre" est perçu comme dangereux. On comprend alors que la construction d'une relation de couple, avec l'intimité qu'elle comporte, est d'autant plus difficile. Comment faire confiance en l'autre quand la base de sécurité est inexistante en soi? quand le lien à l'autre a été détruit?
- La victime pourra ressentir de la méfiance envers son conjoint, dans ses relations en général, envers l’homme en général s’il s’agit d’une femme victime.
- Il peut y avoir des sentiments ambivalents d’amour, de haine, de désir et de dégoût.
- La victime peut ressentir une peur d’être à nouveau manipulé par l’autre : « se faire avoir »
- Il lui est difficile de mettre des limites à l’autre, et de respecter celle de l’autre, la victime a perdu ses repères. Quelle est la juste distance par rapport à l’autre ? Quelles sont les bonnes limites ? les limites, les repères sont brouillés. D’autant plus que le traumatisme peut amener également une dépendance affective qui peut amplifier le non-respect des limites.
- De la même façon, pour la victime, il n’est pas aisé de connaître ses propres besoins et de les respecter.
Les choix des partenaires peuvent être aussi "biaisés" en lien avec plusieurs phénomènes :
- La recherche inconsciente d'un apaisement du système nerveux. Ainsi les relations et les relations sexuelles en particulier peuvent être soit abstinentes (l'intimité est difficile et le sexe est vécu comme sale), avec l’aversion d’être touchée, soit à outrance (comme vu précédemment). Qu’elle soit exacerbée ou inhibée, la sexualité sera toujours perçue comme anormale et génératrice d’une intense culpabilité.
- La recherche d'une situation connue, même si celle-ci est destructrice car elle sera toujours moins angoissante que l’inconnu, le vide. Nous avons tous besoin d’avancer avec un cadre, des repères. Si ceux-ci ont été déformés, pervertis, tordus, il est cependant fort probable que nous les répétions car ils représentent notre seul point de référence. Ainsi, la personne victime de viols, incestes, notamment dans son jeune âge, pourra être amené à reproduire ses schémas. J'en reparlerai dans l'article sur les répétitions et le transgénérationnel.
Par ailleurs, pour ajouter d'autres aspects sur les relations sexuelles plus particulièrement :
- L'accès au plaisir peut être coupé, en raison notamment de la dissociation d'avec le corps. En lien avec cela, la personne victime de violences sexuelles peut souffrir de vaginisme, d'anorgasmie, d'absence de désir. Des images projetées de l'agresseur ou de l'agression, peuvent également survenir lors de rapports avec le partenaire.
- La relation sexuelle peut être vécue dans la culpabilité.
- On peut noter parfois une intolérance aux moyens contraceptifs.
5- les troubles somatiques en lien avec le vécu du traumatisme (qui peuvent s’ajouter à ceux déjà évoqués)
Le corps exprime la souffrance, à travers des troubles psychosomatiques, en lien avec l’état du système nerveux autonome.
- Le principal mal dont souffrent les victimes d’inceste est la dépression
- Les troubles gastro intestinaux (syndrome du côlon irritable, constipation, diarrhée, etc),
- Des troubles cardio-vasculaires telles que palpitations, hypertension artérielle, coronaropathies
- Des troubles en lien avec des douleurs et/ou des inflammations : maux de dos, maux de tête, douleurs articulaires, arthrite, fibromyalgie
- Troubles du sommeil
- Troubles métaboliques (diabète, hypertension, etc.),
En résumé, les conséquences et symptômes pour la personne victime d’un viol, d’une agression sexuelle, d’un inceste peuvent être :
- Une grande souffrance psychologique (en lien avec la mémoire traumatique) et physique avec un sentiment de mal être, un sentiment de peur, danger permanent, une insécurité forte (peur, angoisse, panique, phobie) avec une hypervigilance et un besoin de contrôle
- Des comportements addictifs et compulsifs
- Des conduites à risque
- Une difficulté à être en lien avec les autres
- Des relations sexuelles troublées (abstinentes ou à outrance)
- Une relation au corps difficile
- Des troubles somatiques et en particulier dépressifs
Encore une fois, cet article ne se veut pas exhaustif, mais plutôt apportant un éclairage sur les symptômes en les reliant au vécu du traumatisme. Il n’y a pas de systématique, chaque "expérience" est différente. Avoir un symptôme ne signifie pas avoir vécu ce traumatisme. Et les symptômes peuvent évoluer dans le temps.
Pour prolonger cette compréhension, vous pouvez lire mon 4ème article sur les ressentis, Vous trouverez également d'autres articles sur le sujet : la reconstruction après le traumatisme, des conseils pour les proches et amis de victimes. N'hésitez pas à lire également le 1er article sur les définitions et ce qui dit la loi ainsi que l'article sur le traumatisme et la mémoire traumatique
Sophrologue, hypnothérapeute, thérapeute, je peux vous accompagner si vous avez été victime d’une agression, d’un viol, d’un inceste. Vous pouvez m’appeler pour un premier contact et si vous le souhaitez prendre rendez-vous. Consultations à Paris dans le 11ème et en visio.
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